Le microbiote intestinal : un acteur clé dans la guérison de la chirurgie du cancer colorectal
Le microbiote intestinal : un acteur clé dans la guérison de la chirurgie du cancer colorectal

Une équipe de recherche montre pour la première fois sur des souris que la modification de la flore intestinale avant une intervention chirurgicale pourrait diminuer les complications postopératoires chez des patients atteints d’un cancer colorectal.

Dans l’étude publiée dans Gut, l’immunologue Manuela Santos et les Drs Carole Richard et Roy Hajjar, trois scientifiques du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM), identifient deux souches bactériennes qui influencent directement l’apparition ou non de fuites anastomotiques, plus communément appelées fuites intestinales.

Jusqu’à 30 % des patients traités présentent ces graves complications liées à une mauvaise cicatrisation de la barrière intestinale. Redoutées en chirurgie colorectale, elles sont responsables d’inflammations, d’infections sévères ou de récidives du cancer.

On le sait : certaines bactéries sont susceptibles d’entraîner le développement du cancer colorectal en produisant des toxines qui endommagent les cellules du côlon, et en favorisant l’accumulation de mutations de l’ADN ou encore l’inflammation dans l’intestin par exemple.

« Dans notre étude, nous montrons que deux souches bactériennes, détectées dans les selles de patients atteints de ce cancer, ont des effets opposés sur la cicatrisation intestinale et donc sur la guérison », dit l’auteure principale de l’étude, Manuela Santos, professeure à l’Université de Montréal et chercheuse responsable du laboratoire de nutrition et du microbiome au CRCHUM.

« Alistipes onderdonkii kh 33, plutôt proinflammatoire, augmente le risque de fuites, tandis que l’effet anti-inflammatoire de Parabacteroides goldsteinii kh 35 facilite la cicatrisation », explique-t-elle.

Un traitement préopératoire

Les travaux de l’équipe marquent le début, prometteur, d’une exploration scientifique dans un champ de recherche où elle évolue seule.

« L’analyse du microbiote intestinal de patients a révélé que la composition bactérienne était différente s’ils présentaient ou non des fuites intestinales », détaille le Dr Hajjar, médecin résident et premier auteur de l’étude.

« Une fois que nous avons transplanté ces différents profils de microbiotes chez des souris, nous avons constaté que leurs risques de complications postopératoires variaient grandement. En clair, la composition du microbiote influait directement sur leurs chances de guérison. »

Modifier la flore intestinale des patients quelques jours avant une opération chirurgicale grâce à un mélange de prébiotiques et de probiotiques, dont la formule adéquate reste à déterminer, pourrait donc constituer la base d’une nouvelle approche thérapeutique.

Prolongé plusieurs jours après l’opération, un tel traitement permettrait aussi d’accélérer le retour à un microbiote intestinal sain, de réduire la durée du séjour hospitalier, d’augmenter le taux de survie des patients et d’améliorer leur qualité de vie.

Une biobanque d’une richesse inestimable

Pour identifier ces deux souches bactériennes et faciliter la modélisation sur un grand volume de données, l’équipe du CRCHUM a mis sur pied la biobanque de maladies inflammatoires et néoplasiques du tractus digestif.

Cette installation de recherche contient les selles des patients admis pour un cancer colorectal qui consentent à l’utilisation de leurs échantillons fécaux à des fins de recherche. Au CHUM, plus de 500 patients sont suivis chaque année.

« Les deux souches bactériennes identifiées constituent une belle preuve de concept du rôle d’espèces bactériennes spécifiques dans la guérison de l’intestin », précise la Dre Richard, chirurgienne au service de chirurgie digestive du CHUM et cheffe de la division de chirurgie générale à l’Université de Montréal.

« Notre étude, menée en collaboration avec des collègues de l’Université McGill, de l’UQAM et de l’Université de Montréal, montre aussi qu’un équilibre entre ces deux types de bactéries est indispensable pour favoriser la cicatrisation de la barrière intestinale », note-t-elle.

Des travaux de recherche supplémentaires sont actuellement menés au CRCHUM pour mettre en lumière d’autres bactéries associées aux fuites intestinales ou à la guérison.

Aujourd’hui encore, plus de 9500 personnes meurent d’un cancer colorectal au pays annuellement. C’est le troisième cancer parmi ceux les plus souvent diagnostiqués chez les adultes canadiens et le deuxième pour ce qui est de la mortalité.

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