Les réseaux sociaux s’enflamment depuis plusieurs jours. Des allégations circulent, affirmant un lien entre la vaccination contre le Covid-19 et une hausse des cancers du pancréas. Ces affirmations ont trouvé un relais puissant, notamment via des publications du professeur Didier Raoult, qui cite des données issues d’une étude sud-coréenne basée sur huit millions de dossiers médicaux. Une hausse de 157 % des cas chez les personnes ayant reçu deux injections aurait été observée. Une statistique choc qui interroge et inquiète.
Pourtant, derrière cette information se cache une nuance essentielle. L’étude en question ne parle pas de lien de causalité, mais d’ »associations » et émet des hypothèses. Les chercheurs eux-mêmes soulignent qu’il faut rester prudent. L’oncologue Jérôme Barrière rappelle que corrélation ne signifie pas causalité. Autrement dit, observer une augmentation statistique ne prouve pas que la vaccination provoque directement la maladie.
Plusieurs biais méthodologiques viennent tempérer les conclusions. D’abord, le « biais de détection » : les personnes vaccinées ont davantage de contacts avec le système de santé, ce qui augmente la probabilité de dépistage et de diagnostic. Ensuite, la temporalité : le cancer du pancréas met des années à se développer, rendant improbable une cause unique liée à un événement récent comme une vaccination. Enfin, aucune autre étude épidémiologique menée à plus long terme n’a confirmé une telle corrélation.
Cette polémique s’inscrit dans un contexte plus large. Les campagnes vaccinales continuent, notamment pour la grippe et le Covid, et ces débats interviennent dans un climat déjà sensible autour des vaccins. Certains observateurs craignent que ce type d’information non confirmée ne nourrisse la défiance vaccinale et impacte la santé publique. L’absence de consensus scientifique rend l’enjeu encore plus délicat : la diffusion d’informations partielles peut semer le doute dans l’opinion publique.
L’analyse scientifique demeure claire : il n’existe actuellement aucune preuve robuste établissant un lien direct entre vaccination anti-Covid et cancers. Les autorités sanitaires rappellent la sécurité des vaccins et leur rôle majeur dans la prévention des formes graves de la maladie. Ce débat, largement alimenté par les réseaux sociaux et les prises de parole médiatiques, illustre les difficultés à faire la part entre données scientifiques, interprétations médiatiques et rumeurs.
La controverse révèle aussi une vérité plus profonde : dans l’ère de l’information instantanée, chaque donnée médicale circule à grande vitesse, sans toujours passer par l’épreuve du filtre scientifique. Ce qui se joue aujourd’hui dépasse la question du vaccin : c’est la capacité collective à distinguer entre une corrélation suspecte et une preuve établie qui est en jeu.
