Nouvelle étude : Les enfants de mères à faible niveau d’éducation plus à risque face à l'obésité
Nouvelle étude : Les enfants de mères à faible niveau d’éducation plus à risque face à l'obésité

Selon une nouvelle étude internationale, le niveau d’éducation de la mère constitue un important prédicteur de surpoids et d’obésité chez les jeunes enfants.

Publiée dans la revue Nature’s International Journal of Obesity, cette recherche se penche sur le lien entre le statut socioéconomique (SSE) observé durant la petite enfance – soit le niveau d’éducation de la mère et le revenu du ménage – et le risque ultérieur de surpoids et d’obésité dans sept cohortes d’enfants vivant dans des pays à revenu élevé.

Des inégalités sociales ont été observées dans toutes les cohortes, le faible niveau d’éducation de la mère pendant la petite enfance étant associé à un risque accru de surpoids et d’obésité. Un faible revenu familial constitue également un facteur de risque, mais la corrélation établie était moins marquée.

L’étude repose sur des données provenant de diverses cohortes de recherches longitudinales et prospectives menées au Québec, au Canada, aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Suède. Les chercheurs ont intentionnellement choisi ces États en raison de leur répartition le long du gradient d’inégalité socio-économique.

« Nous avons délibérément choisi des pays présentant des niveaux d’inégalité élevés et d’autres affichant des niveaux d’inégalité plus faibles pour voir si les corrélations étaient évidentes dans tous ces pays », explique Jennifer McGrath, professeure de psychologie à la Faculté des arts et des sciences de Concordia et chercheuse principale du projet EPOCH. Cette équipe de recherche multidisciplinaire internationale s’intéresse aux répercussions de la pauvreté des jeunes enfants sur l’évolution de leur état de santé – de l’obésité à l’asthme, en passant par le TDAH, les maladies chroniques et la santé bucco-dentaire – plus tard dans l’enfance.

L’auteur principal de l’étude est le Pr Pär Andersson White de l’Université de Linköping en Suède.

Le coefficient de Gini est un indicateur du degré d’inégalité des revenus d’un pays ou territoire donné. Un indice d’égalité parfaite (Gini=0) signifie que tous gagnent un revenu identique; à l’opposé, un indice d’inégalité maximale (Gini=100) signifie qu’une seule personne perçoit l’ensemble des revenus. La Suède est considérée comme une société égalitaire, et les disparités en matière de surpoids et d’obésité s’y révèlent moins marquées que dans les autres pays étudiés. Ces écarts pourraient s’expliquer par les politiques sociales en vigueur au moment de la collecte des données en Suède, notamment les programmes préscolaires subventionnés, les congés parentaux généreux, l’interdiction des publicités destinées aux enfants et la gratuité universelle des repas dans les écoles.

Des tendances similaires, des particularités distinctives

L’originalité de cette étude réside dans l’utilisation de mesures harmonisées du statut socioéconomique – ce qui a permis aux chercheurs d’établir des comparaisons entre les pays – et dans la prise en compte du risque relatif et du risque absolu. L’évaluation du risque relatif permet de comparer le risque de surpoids et d’obésité au sein du groupe de statut socioéconomique faible à celui observé dans le groupe ayant un statut socioéconomique élevé. La notion de risque absolu permet une analyse plus exhaustive, puisqu’elle tient compte de la proportion que représentent les groupes de statut socioéconomique élevé et faible au sein de la population. Ainsi, pour une population donnée, il est possible d’observer à la fois un risque relatif élevé (prévalence accrue de l’obésité chez les personnes dont le revenu du ménage est faible) et un risque absolu plus faible, du fait que les personnes ayant un faible revenu familial représentent un plus petit pourcentage de la population.

Bien qu’un lien entre le niveau d’éducation et de revenu familial de la mère et la prévalence du surpoids ou de l’obésité chez l’enfant ait été observé dans les sept cohortes, le degré d’importance de ces corrélations varie d’une population à l’autre. La Pre McGrath souligne que le Québec et le Canada, par exemple, présentent une prévalence similaire des cas de surpoids (25,9 % contre 26,6 %) et d’obésité (6,5 % contre 7,8 %) chez les enfants. Toutefois, ces différences se sont révélées plus flagrantes lorsqu’on a comparé le risque relatif et le risque absolu. En ce qui concerne le risque relatif, les enfants québécois nés de mères ayant un faible niveau de scolarité étaient environ trois fois plus à risque de devenir obèses à l’âge de 10 ans que ceux nés de mères ayant un niveau de scolarité plus élevé; chez les enfants canadiens, l’augmentation du risque était de l’ordre de 1,5 fois. Toutefois, compte tenu de la répartition des statuts socioéconomiques dans la population, les enfants canadiens défavorisés présentaient un risque absolu plus élevé d’être en surpoids ou obèses à l’âge de 10 ans comparativement aux enfants québécois défavorisés. En effet, le risque absolu s’est avéré deux fois plus élevé chez les enfants canadiens que chez les enfants québécois.

Afin d’élucider ce phénomène et de répondre aux autres interrogations que suscitent les données recueillies, les chercheurs ont examiné les politiques sociales en vigueur dans les différentes provinces. Au Québec, les généreux programmes de congés parentaux payés, les taux d’emploi élevés chez les femmes, l’existence de garderies subventionnées et les faibles niveaux de pauvreté peuvent avoir influé sur les résultats, selon la Pre McGrath.

Des données harmonisées pour une meilleure compréhension

« Le groupe de collaboration EPOCH s’est lancé dans un projet ambitieux visant à comparer des cohortes d’enfants nés dans différents pays », ajoute le Pr White. C’est une tâche difficile que de coordonner un projet d’envergure internationale, mais cette démarche a mené à des découvertes intéressantes. La recherche menée par le groupe EPOCH s’est particulièrement démarquée parce qu’elle a harmonisé la définition des variables socioéconomiques et utilisé des statistiques identiques pour toutes les cohortes. »

Selon le Pr White, cette recherche se distingue des autres études ayant comparé des pays sur le plan des iniquités en santé, car celles-ci tentent d’interpréter des données tirées de diverses études ayant appliqué des définitions différentes.

« Notre étude montre que les inégalités en matière de surpoids et d’obésité chez les enfants varient selon les pays, et ce, même après harmonisation des données. Cette nuance est importante, car elle indique que les disparités en matière de santé observées chez les enfants varient selon les politiques des pays et ne peuvent s’expliquer uniquement par des différences sur le plan méthodologique, souligne le Pr White. Elle indique aussi clairement qu’un pays peut, à l’instar des Pays-Bas, réussir à réduire la prévalence de l’obésité malgré ses niveaux élevés d’inégalité sociale. Ces résultats donnent à penser qu’une lutte efficace contre l’obésité chez les enfants issus de milieux sociaux défavorisés pourrait exiger des politiques ciblées autres que celles destinées à l’ensemble de la population. »

La Pre McGrath, titulaire de la chaire de recherche du Centre PERFORM en santé préventive chez l’enfant et en science des données, est également cofondatrice du projet EPOCH.

« Nous avons étudié un ensemble de résultats liés à la santé pour établir comment le milieu socioéconomique et les iniquités qui en découlent influent sur la santé d’un enfant durant ses premières années de vie, indique-t-elle. Si nous parvenons à cerner les trajectoires menant à l’émergence d’inégalités socioéconomiques dès la petite enfance, nous pourrons ensuite déterminer où, quand et comment mettre en place des politiques et des programmes qui permettront d’optimiser la santé et le mieux-être des enfants et d’éviter l’accroissement d’inégalités en santé. »

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