Les Leçons persanes film : une œuvre poignante entre fiction inventive et mémoire historique
Les Leçons persanes film : une œuvre poignante entre fiction inventive et mémoire historique

En 2020, lors de la Berlinale, un film s’est particulièrement distingué par la singularité de son propos et la profondeur de son message : Les Leçons persanes (Persian Lessons). Réalisé par Vadim Perelman, ce long-métrage interroge notre rapport à la mémoire, au langage et à l’instinct de survie en temps de guerre. Une œuvre bouleversante qui, si elle n’est pas directement tirée d’une histoire vraie, n’en demeure pas moins puissamment ancrée dans une réalité historique.
Une fiction au service d’une vérité universelle

En pleine Seconde Guerre mondiale, Gilles, un jeune Juif belge, est capturé par les nazis. Dans une tentative désespérée pour sauver sa vie, il affirme être d’origine iranienne. Ce mensonge, improbable mais vital, le sauve temporairement de la mort. Il se retrouve alors confronté à une situation inédite : enseigner le farsi à un officier nazi, Koch, passionné de cuisine et rêvant d’ouvrir un restaurant à Téhéran une fois la guerre terminée.

Le hic : Gilles ne connaît pas un mot de persan. Il va alors inventer de toutes pièces une langue, avec son propre vocabulaire et une cohérence grammaticale construite au jour le jour. Une construction mentale qui devient, pour lui, une stratégie de survie, mais aussi un hommage discret aux victimes disparues. Chaque mot forgé est en réalité le nom d’une personne disparue, gravé dans sa mémoire.
Une invention linguistique crédible, au service du récit

Ce postulat de départ, s’il semble surréaliste, puise sa force dans la subtilité du traitement narratif. Inspiré d’une nouvelle de Wolfgang Kohlhaase, le scénario prend appui sur une fiction pour interroger des mécanismes bien réels : la manipulation, l’adaptation, et la résistance par l’esprit.

L’équipe du film ne s’est pas contentée d’une approche symbolique. Elle a collaboré avec des linguistes pour élaborer une langue crédible. Il ne s’agissait pas seulement d’un jeu d’acteur, mais d’une véritable grammaire imaginaire pensée pour servir le réalisme du film. Cette démarche confère au film une authenticité rare, même dans les moments les plus invraisemblables.

Une mise en scène tendue et poignante

La réussite du film repose en grande partie sur le jeu des acteurs. Nahuel Pérez Biscayart incarne Gilles avec une intensité remarquable. L’acteur argentin, déjà salué pour 120 battements par minute, explore ici une autre facette de son registre : la peur silencieuse, l’endurance mentale et la ruse constante. À ses côtés, Lars Eidinger campe un commandant Koch à la fois menaçant et naïf, humanisé dans ses aspirations, mais aveuglé par l’idéologie.

La tension dramatique s’appuie également sur une reconstitution minutieuse. Les camps de transit, les relations hiérarchiques au sein des SS, les rouages de l’administration nazie : tout a été documenté avec rigueur. Le film ne cherche pas l’effet spectaculaire, mais préfère ancrer sa dramaturgie dans un réalisme oppressant, où la moindre faille dans le mensonge de Gilles pourrait le condamner.

Une reconnaissance critique et un débat sur sa légitimité

Les Leçons persanes a rapidement conquis la critique. Présenté dans de nombreux festivals, il a remporté plusieurs prix du public, notamment à Tallinn. Il a également été sélectionné pour représenter la Biélorussie aux Oscars dans la catégorie du meilleur film international — un choix contesté au vu de la production multinationale du projet (Allemagne, Russie, Biélorussie), mais qui témoigne de la portée universelle du film.

Plus qu’un récit de guerre, le long-métrage de Perelman propose une réflexion sur le pouvoir de la mémoire, l’usage de la langue comme rempart contre l’oubli, et la capacité de l’humain à survivre par la créativité et la ruse. Ce n’est pas une « histoire vraie », au sens strict, mais une vérité artistique, fondée sur la vraisemblance historique et l’humanité profonde.

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